Petite Histoire de la Broderie au Point de Croix, de la Broderie Traditionnelle, des Monogrammes :

Le point de croix :

    Un alphabet rouge brodé au point de croix sur une toile ancienne, des lettres, majuscules, minuscules, de styles différents, quelques fleurs stylisées, une frise tout autour, une date, un nom de lieu, un prénom, celui de la brodeuse, avec son âge, le plus souvent entre 6 et 12 ans...

    Ainsi se présente d'ordinaire le "marquoir", un mot presque oublié, qui raconte à notre imaginaire, avec une grande fraîcheur, l'histoire des grands-mères de nos grands-mères. Franche et simple écriture qui n'existerait pas sans la trame qui lui sert de page blanche.

    Dès le Moyen-Age, en Europe comme en Asie, de nombreuses broderies populaires décoratives utilisent le point de croix. Ces broderies ont traversé l'espace et le temps toujours pleines de vitalité. Aujourd'hui encore, dans le monde entier, les femmes des régions rurales à fortes traditions transmettent et brodent encore quantité de motifs régionaux, que l'on appelle "broderies ethniques".

    La Renaissance élabore un nouvel art de vivre : la société se transforme en profondeur ; la broderie échappe en partie au cadre rigide des corporations pour devenir une activité de loisir exercée par les femmes des classes aisées, lesquelles se mettent à tirer l'aiguille pour le plaisir. Le point de croix remporte les faveurs, tant il est simple dans son exécution et riche de possibilités.

    Les premiers recueils de modèles (diagrammes, appelés communément grilles) sont édités en Italie ; ils circulent dans toute l'Europe, répandus par les colporteurs. Leurs étals, portés à dos de mulets, contituent de véritables boutiques ambulantes qui diffusent la mode, les modèles et les matériaux nécessaires aux réalisations.

    Le point de croix, promu très tôt "loisir créatif", a donc des origines lointaines. Les petites filles aiment naturellement imiter leur mère et se lancent volontiers dans les travaux d'aiguilles. Lorsqu'au XVIIe siècle elles commencent à apprendre à lire, à la maison d'abord, puis dans des institutions religieuses, la broderie vient juste après la lecture dans la suite de leurs travaux. Durant plusieurs décennies, c'est par le fil rouge que les petites filles accèdent au premier degré de l'écriture. La plume ce sera pour plus tard... parfois jamais.

    De l'école religieuse à l'enseignement public, le point de croix, appelé aussi point de marque, trouve naturellement sa place dans les programmes scolaires. Les fillettes apprennent à lire, à écrire, à compter et travaillent chaque jour à leur "marquette", cette pièce de tissu sur laquelle elles s'exercent à broder l'alphabet et les chiffres qui marqueront un jour leur linge. De marquette en marquette, elles sauront bientôt broder "par coeur" ces lettres rouges, et devenues expertes, réaliseront alors leur marquoir. Ces pièces, souvent mentionnées dans les testaments tant elles sont importantes dans la généalogie féminine, sont parfois de véritables petits chefs-d'oeuvre qui passent de mère en fille. Les collectionneurs d'aujourd'hui se souviennent-ils qu'au sortir de l'école, les filles préparaient leur trousseau et le marquaient de leurs initiales en attendant sagement un mari ? Ainsi, de l'enfance à l'adolescence, le point de croix accompagne l'attente et la transformation des jeunes filles. Il n'y a pas bien longtemps encore, en milieu rural, "marquer son linge" avait un double sens dans l'univers féminin qui s'affairait autour du trousseau des filles pubères. Ce dernier les accompagnera, jeunes femmes, dans leur nouvelle existence et sera intimement mêlé à tous les évènement de leur vie. Dans la joie ou la souffrance, de la naissance à la mort, linge sali, lessivé, blanchi, mais portant toujours dans un coin ces lettres rouges : traces indélébiles d'une identité de femme qu'il nous arrive encore de retrouver dans nos armoires. Trousseau, lieu de mémoire. Symbolique du rouge de l'amour, du sang, de la vie.

    Le point de croix, tombé en désuétude avec les autres "ouvrages de dames" jetés aux orties dans les années féministes, connaît aujourd'hui un extraordinaire engouement. De toutes jeunes femmes découvrent la fraîcheur et la simplicité de cette technique de broderie et, s'y adonnant avec enthousiasme, entraînent dans leur élan amies, voisines, collègues de travail, jusqu'à... leurs mères ! Même les grands-mères s'y remettent avec bonheur...

    Les merceries se dépoussièrent, des clubs de "crucipuntistes" fleurissent en ville comme à la campagne, des concours de broderie régionaux, nationaux et internationaux se multiplient.

    Cette passion déferlante ne serait-elle qu'un effet de mode ?

    A écouter les brodeuses, qui toutes témoignent de la sérénité que leur procure leur ouvrage, on comprend vite que cela va beaucoup plus loin qu'une éphémère toquade... pour certaines la broderie devient une véritable passion dont elles ne peuvent plus se passer, presque une drogue à laquelle elle ressentent le besoin de se soumettre quotidiennement !

    Une intense sérénité semble se développer avec le va-et-vient de l'aiguille ; en effet, la brodeuse, au fil des points, se dérobe à l'agitation ambiante pour "rentrer en elle-même", mettre de l'ordre, retrouver son droit fil intérieur : réconcilier l'esprit qui veut et la main qui fait.

    Aujourd'hui, broder, c'est s'offrir le luxe du temps, gagné sur les transports, dérobé à la vie familiale, récupéré sur la télévision, détourné d'autres activités. Le point de croix requiert de la lenteur, un déroulement qui ne peut s'accélérer ou se compresser comme l'impose notre époque. Chaque petit point est une fraction d'éternité.

    Offrir une broderie que l'on a faite de ses mains, c'est donner un peu de soi, mais aussi quelque chose de totalement immatériel et d'infiniment précieux : son temps.

    (d'après "l'Art du Point de Croix, de Fanny Viollet)

La broderie traditionnelle :

    J'aime la manière dont quelques simples points brodés parviennent à transformer le tissu le plus ordinaire en une pièce originale et unique. Une taie d'oreiller blanche a beaucoup de classe une fois ornée d'un monogramme, et un rideau en toile bleue ne demande qu'une bordure de petits bouquets pour devenir ravissant.

    Le terme de broderie recouvre de nombreuses techniques don't le résultat est parfois si beau et si détaillé qu'il est difficile de le croire juste créé avec une aiguille et du fil. Mais un motif brodé d'à peine un ou deux points différents peut faire au moins autant d'effet qu'un travail plus complexe. Comme tout apprentissage, il est préférable de commencer par les rudiments : vouloir aller trop vite n'amènerait que des désillusions. Cependant après avoir maitrisé quelques points facile et avoir réussi un premier motif, la confiance nécessaire à des ouvrages plus ambitieux s'installe, et arrive alors très vite le désir de créer ses propres compositions.

    (extrait de "La Broderie Décorative" de Mary Norden)

Les monogrammes :

    Les historiographes de l'époque le racontent : Charlemagne était si malhabile pour écrire qu'il remplaça sa signature par un monogramme ; inscrites dans un losage, les quatre consonnes de "Karolus" entourent un seul signe qui symbolise les trois voyelles.

    Alors, à partir du XIIIe siècle, rois, princesses et seigneurs frappent de leur monogramme leur linge, leurs tentures, leur mobilier ; les inventaires et les comptes dressés lors des mariages et des décès en font mention. En matière de monogramme, traditionnellement, pour le linge de maison, comme pour l'argenterie, la vaisselle ou la verrerie, ce sont les initiales des noms de famille des deux époux qui doivent figurer. En général, celle de la femme est à placer à droite de celle de l'homme. Traditionnellement encore, les initiales du prénom et du nom de famille ne sont utilisées que pour le linge personnel, c'est-à-dire sur un mouchoir, une chemise, la poche d'une blouse ou d'un peignoir de bain, ou encore sur une pochette pour ranger de la lingerie, des chaussons, etc. Mais on peut aussi décider de ne broder que l'initiale du prénom.

    Avant de choisir un motif et de tirer l'aiguille, voici quelques vers écrits par le poète Amadys Jamin à propos du monogramme du roi de France Henri III et de son épouse Louise de Lorraine :

                                                       "Comme vos noms l'un et l'autre s'embrassent

                                                        Dedans ce chiffre en un corps assemblé :

                                                        Ainsi les traits d'un amour bien réglé

                                                        Entre-nouëz dedans vos coeurs s'entrelacent".

    (extrait "La Broderie du Linge de Maison" de Eglé Salvy)                                                                                               

 

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